Permutations, 1976
Film argentique 16 mm transféré sur bande vidéo, numérisée, 4/3, noir et blanc, silencieux
11 min 43 s
Née à Pusan (Corée du Sud) en 1951, alors qu’éclate la guerre de Corée, Theresa Hak Kyung Cha grandit à Hawaï puis sur la côte Ouest des États-Unis. Au cours de sa brève existence (elle décède à New York en 1982), elle développe une œuvre conceptuelle où résonne sa culture chamanique. Dès 1974, elle est inspirée par le poststructuralisme de Roland Barthes et le féminisme de Laura Mulvey. Mêlant performance, écriture, film et vidéo, sa pratique est marquée par l’exil. Elle s’intéresse au passage des seuils pour explorer des processus de traduction, de translation et de transformation.
Permutations a été réalisé en 1976, tandis que l’artiste passe six mois à Paris en résidence. Un visage de jeune femme surgit dans le cadre de l’image : d’abord de face, regardant la caméra, puis de dos, montrant sa longue chevelure noire, puis de nouveau de face, les yeux fermés, avant de laisser la place à un écran blanc, puis un écran noir. Ces images composent des unités en apparence très simples. Au gré de leur montage combinatoire, cependant, les plans se suivent et ne se répètent pas : de subtiles variations dans les prises de vue viennent troubler peu à peu la grille répétitive de ces permutations. Le visage qui semble tourner autour de son axe est celui de sa sœur, Bernadette, jusqu’à l’apparition presque subliminale de l’artiste elle-même, vers la fin du film. Répondant aux « regards caméra » du cinéma de la Nouvelle Vague – comme ceux d’Anna Karina chez Jean-Luc Godard –, l’œuvre oscille entre révélation et refus, entre mouvement et immobilité. Elle questionne ce qui, dans l’image d’un visage, se montre, se tait, s’absente.
Marcella Lista, 2020